Mesdames, Messieurs,
Ce texte s’inscrit dans la continuité des travaux menés par les co‑rapporteurs Philippe Fait et Fabrice Barusseau dans le cadre de la mission d’information sur l’adaptation au changement climatique et l’aménagement des territoires dont le rapport n° 1525, adopté à l’unanimité par la commission du développement durable et de l’Aménagement du territoire, établit le constat suivant :
Le changement climatique n’est plus une menace abstraite. Il affecte d’ores et déjà la vie quotidienne de nos concitoyens et la solidité de nos territoires. La France doit agir maintenant pour éviter des coûts humains, économiques et assurantiels dont l’ampleur sera considérable si l’on demeure dans l’inaction. Le présent texte traduit une volonté politique simple et ferme : concilier solidarité territoriale et incitations économiques pour maintenir une couverture d’assurance là où elle est la plus vitale, et, parallèlement, responsabiliser les acteurs afin d’éviter que l’assurance ne couvre indéfiniment des situations de vulnérabilité non traitées.
La trajectoire de référence pour l’adaptation (Tracc) retient une hypothèse de +4 degrés Celsius en France à l’horizon 2100. Cette trajectoire implique des jalons d’impacts (vagues de chaleur plus fréquentes, intensification des épisodes de précipitations extrêmes, retrait‑gonflement des argiles, érosion côtière) et des coûts déjà mesurables. Les coûts liés aux catastrophes naturelles ont été multipliés par six depuis les années 1980 et pourraient doubler d’ici 2050. La part des dommages liés au retrait‑gonflement des argiles a atteint, pour les cinq dernières années, environ 70 % des sinistres liés aux catastrophes naturelles, soit un ordre de grandeur de 1,5 milliard d’euros par an. Les évaluations du secteur des assurances font également apparaître des projections lourdes. Les coûts cumulés liés aux inondations pourraient atteindre plusieurs dizaines de milliards d’euros d’ici 2050, mettant en tension la soutenabilité du régime assurantiel actuel.
En découlent deux risques majeurs qui appellent une réponse législative :
– Le risque de retrait des assureurs des zones les plus exposées, qui priverait les ménages et les entreprises d’une couverture essentielle et fragiliserait les territoires ;
– L’inefficacité des reconstructions répétées et à l’identique, qui perpétuent une vulnérabilité coûteuse et injuste.
Au‑delà des biens privés, les collectivités territoriales sont elles‑mêmes directement exposées. Une part croissante des communes, notamment rurales, littorales ou ultramarines, n’est plus assurée ou ne dispose que d’une couverture partielle, faute d’offres disponibles ou de primes soutenables. Or, les collectivités sont en première ligne. Garantir leur protection assurantielle constitue dès lors un impératif républicain. Il en va de la continuité du service public local, de la sécurité des habitants et de la cohésion du territoire national. L’État doit, à ce titre, jouer un rôle d’assureur en dernier ressort et développer – en lien avec les acteurs du secteur – des mécanismes mutualisés de réassurance publique et des incitations ciblées pour maintenir une couverture dans les zones les plus exposées.
Ainsi, la présente proposition de loi poursuit trois objectifs structurants :
1. Renforcer la solidarité nationale et territoriale, en garantissant l’accès à l’assurance pour les ménages, les entreprises et les collectivités ;
2. Responsabiliser les acteurs par la conditionnalité des garanties et des incitations ;
3. Refonder la politique de reconstruction sur la résilience et la prévention.
Ce texte consacre une vision renouvelée de l’assurance : non plus une simple réparation, mais un instrument de la transition écologique et de la justice territoriale. En garantissant la protection des personnes, des biens et des collectivités, cette loi entend bâtir une République résiliente, capable d’affronter les défis climatiques du XXIᵉ siècle.
Ces objectifs se traduisent dans trois articles complémentaires, qui mettent en œuvre les propositions du rapport d’information.
L’article 1er (propositions n° 1, 2, 3, 14 et 15 du rapport n° 1525 : inscrire la Tracc et le Pnacc dans le code de l’environnement) consacre dans le code de l’environnement les deux piliers de la politique d’adaptation au changement climatique : le Plan national d’adaptation au changement climatique (PNACC) et la Trajectoire de référence pour l’adaptation au changement climatique (Tracc).
Leur inscription dans la loi vise à donner une valeur juridique et stratégique durable à ces instruments, aujourd’hui purement réglementaires.
– Le PNACC définira la stratégie nationale de réduction des vulnérabilités et sera révisé tous les cinq ans, après avis public du Conseil national de la transition écologique et du Haut Conseil pour le climat (HCC).
– La Tracc, fixée par décret après avis du HCC, constituera le scénario de référence d’évolution du climat en France jusqu’en 2100, servant de base à toutes les politiques publiques d’aménagement, d’urbanisme et de prévention des risques.
Cette articulation entre science, planification et action territoriale permet d’assurer la cohérence nationale de l’adaptation.
L’article 2 (propositions n° 53 et 54 : fin du principe de la reconstruction à l’identique) met fin au principe de reconstruction à l’identique après catastrophe naturelle et introduit une obligation de reconstruction résiliente. La modification du code de l’urbanisme interdit désormais toute reconstruction qui ne respecterait pas les prescriptions des plans de prévention des risques naturels (PPRN). Chaque sinistre devra devenir une opportunité d’adaptation, et non un retour à la vulnérabilité initiale.
Le code des assurances est également adapté :
– Il prévoit une indemnisation pouvant dépasser la valeur du bien lorsque les travaux financent une reconstruction conforme aux exigences de résilience ;
– Il limite la résiliation anticipée des contrats après versement d’une indemnité d’adaptation, afin d’éviter les effets d’aubaine.
L’assurance devient ainsi un outil de prévention et de transformation, au service d’une réduction durable des risques et des coûts collectifs liés aux catastrophes naturelles.
L’article 3 (propositions n° 7 et 8 : modulation des primes et soutenabilité du régime CatNat) réforme le régime d’assurance CatNat pour en assurer la pérennité financière et l’équité sociale. Il autorise, dans des conditions encadrées par décret, une modulation des primes d’assurance pour deux catégories de biens situés dans des zones à risque :
– Les résidences secondaires ;
– Les biens professionnels de grande valeur (supérieurs à 20 millions d’euros).
Cette différenciation vise à responsabiliser les détenteurs de patrimoines élevés tout en préservant la solidarité nationale pour les ménages et les petites entreprises.
Elle répond à une double exigence : justice sociale et soutenabilité économique du régime CatNat.
L’article 4 gage la présente proposition de loi.
Ces articles traduisent en droit les orientations du rapport d’information :
– Donner un ancrage législatif clair à la stratégie nationale d’adaptation ;
– Orienter la reconstruction vers la résilience climatique ;
– Renforcer la solidarité et la justice assurantielles.
Ils participent d’une même ambition : faire de l’adaptation au changement climatique un pilier de la République écologique, en protégeant durablement l’écosystème des territoires.