Mesdames, Messieurs,
La vie chère en Outre‑mer ne s’arrête pas à la sortie du supermarché.
Si les écarts exorbitants de prix avec l’hexagone pour l’alimentation occupent de manière compréhensible une part importante de l’attention médiatique, il est impératif de rappeler que la vie chère est un phénomène complexe qui s’immisce à répétition dans le quotidien de près de 2,9 millions d’habitants des territoires ultramarins de notre pays.
Elle est une affaire de prix trop élevés ainsi qu’une question de revenus trop faibles qui dure depuis bien longtemps. Qui plus est, les territoires ultramarins font face à des handicaps structurels et ont vu leur développement économique entravé par des logiques accentuant les dépendances aux importations et limitant la coopération avec les bassins régionaux environnants.
Il faut sans cesse le rappeler, la vie chère vient de loin. Plusieurs mouvements de contestations ont traversé les Outre‑mer. Fin 2008 en Guyane, de janvier à mars 2009 aux Antilles, en 2011 à Mayotte, de mars à avril 2017, à nouveau en Guyane, de février à avril 2018 à nouveau à Mayotte et de novembre à décembre 2018 à La Réunion, et plus récemment encore en 2024 avec un mouvement social d’ampleur en Martinique. Ces mobilisations populaires rappellent avec force à l’ensemble de nos concitoyens combien ces injustices perdurent et fissurent chaque jour un peu plus la promesse de l’égalité républicaine.
Dès lors, la cherté de la vie couplée à une précarité sociale importante forme un cocktail explosif qui met à mal la cohésion sociale et vient nourrir un sentiment d’injustice légitime, d’autant plus que les écarts de prix pour des services proposés ne présentent aucune véritable justification.
En outre, quand bien même certains facteurs comme l’éloignement ou encore l’insularité peuvent parfois expliquer une différence de coût, le principe de l’égalité républicaine doit assurer, au nom de la solidarité nationale, une compensation permettant à toutes et à tous, un égal accès aux services publics et au territoire national.
La lutte contre ce coût excessif de la vie en outre‑mer est au cœur du projet politique des socialistes.
En effet, les lois « Régulation économique » et « Égalité réelle » initiées par M. Victorin Lurel et portées au Gouvernement par les ministres George Pau‑Langevin et Ericka Bareigts, avaient mis en place des outils pour les pouvoirs publics qui leur permettent de lutter contre les marges abusives et les pratiques anticoncurrentielles.
Sous la précédente législature, les députés du groupe Socialistes et apparentés ont été à l’initiative d’une commission d’enquête sur « le coût de la vie Outre‑mer » dont le rapport présenté en juillet 2023 est venu poser des constats détaillés sur les mécanismes pernicieux à l’œuvre dans les Outre‑mer et tracer des solutions.
Le combat des socialistes contre la vie chère s’est également poursuivi à l’Assemblée nationale sous la législature en cours avec l’adoption en première lecture, lors de notre dernière journée parlementaire réservée, de la proposition de loi visant à prendre des mesures d’urgence contre la vie chère et à réguler la concentration des acteurs économiques dans les territoires d’outre‑mer et au Sénat avec l’adoption en première lecture de la proposition de loi portée par M. Victorin Lurel visant à renforcer le droit de la concurrence et de la régulation économique outre‑mer
Ainsi, la présente proposition de loi aspire à poursuivre ce travail parlementaire en prévoyant des mesures d’urgence pour lutter contre la vie chère dans le secteur des services. Celle‑ci n’est pas exhaustive mais elle permettra de mettre fin à des écarts de traitement injustifiés entre les citoyens ultramarins et le reste des citoyens du pays.
L’article 1er vise à modifier l’article L. 1 du code des postes et des communications électroniques pour étendre la péréquation tarifaire à l’ensemble du territoire national en y incluant les territoires ultramarins. En effet, la péréquation tarifaire qui prévaut actuellement s’applique uniquement sur le territoire « métropolitain ». Actuellement, les territoires ultramarins ne bénéficient de la péréquation tarifaire que pour les envois d’un poids inférieur à 100 grammes. Au‑delà, des prix supérieurs à l’hexagone sont actuellement pratiqués en totale contradiction avec le service universel postal.
L’article 2 vise à modifier l’article L 1803‑4 du code des transports pour mettre en œuvre un véritable tarif plafond concernant les billets d’avion pour les résidents ultramarins. Il s’agit d’un dispositif clé qui participera à la mise en œuvre d’une politique de continuité territoriale ambitieuse. Par conséquent, cet article institue deux tarifs plafonds « résident ». Tout d’abord un tarif plafond général « résident » applicable à toute personne justifiant de sa résidence fiscale et qui varie selon les collectivités en fonction notamment de la distance, des caractéristiques de desserte et des coûts moyens observés. Puis, un tarif plafond spécifique « résident », applicable aux bénéficiaires d’un bon délivré au titre de l’aide à la continuité territoriale. Ce plafond spécifique est fixé de manière à garantir que le reste à charge du bénéficiaire ne puisse excéder 50 % du prix moyen du billet sur la liaison aérienne concernée.
L’article 3 vise à rétablir et compléter le dispositif prévu par la loi « Lurel » en interdisant aux établissements bancaires de pratiquer des tarifs supérieurs, dans les territoires ultramarins, aux tarifs pratiqués dans n’importe quelle région de l’Hexagone pour les mêmes prestations. En plus de rétablir ce dispositif abrogé par ordonnance en 2021, cet article accorde des pouvoirs à l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution pour assurer le respect de cette interdiction. Il permet en outre à l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, de prononcer à l’encontre de l’établissement concerné par le non‑respect de cette interdiction, une sanction pécuniaire et d’enjoindre le remboursement aux clients des sommes indûment perçues.
L’article 4 gage cette proposition de loi.