Mesdames, Messieurs,
Dans de nombreuses activités de notre quotidien, dans des échanges familiaux ou amicaux, ou bien encore dans les grands rassemblements qui animent notre société, l’argent liquide a conservé une place de premier plan. En effet, « 69 % des Français apprécient le maintien des espèces et les utilisent au quotidien pour des questions de discrétion, de lien social, d’outil pédagogique avec les enfants et de lutte contre la cyberfraude » ([1]).
Avec près de « 60 % des consommateurs qui considèrent qu’il est important d’avoir la possibilité de payer en espèces » ([2]), l’argent liquide reste un moyen de paiement particulièrement apprécié. Dans le même sens, il dispose d’une très grande acceptation chez les professionnels, avec près de « 94 % des commerçants français qui l’acceptent » ([3]).
Pourtant, face à l’exode progressif des établissements bancaires dans les territoires ruraux, et dorénavant dans les centres urbains également (« 5 000 agences bancaires ont fermé entre 2014 et 2024 » ([4])), et avec la réduction du nombre de distributeurs automatiques de billets (DAB) qui devrait en outre s’accélérer dans les prochaines années, l’accès à l’argent liquide devient de plus en plus compliqué pour les particuliers. Ces derniers sont bien souvent contraints de devoir prendre la voiture ou un autre moyen de transport pour accéder à une agence bancaire ouverte, ou tout simplement à un distributeur automatique de billets.
L’accès à l’argent liquide devient donc une nouvelle source d’inégalités, bien souvent au détriment des mêmes territoires, qui doivent faire face à la disparition progressive des services publics de proximité et à de nombreuses autres difficultés économiques.
L’argent liquide doit pourtant pouvoir garder cette place à laquelle sont attachés les Françaises et les Français : un moyen de paiement pratique qui assure le lien social pour certains achats, tout en permettant de conserver une certaine discrétion.
De même, de nombreux commerçants, notamment dans les zones touristiques, continuent de ne pas accepter la carte bancaire, ou instaurent un plancher arbitraire pour le paiement par carte, en raison des frais dont ils doivent s’acquitter. Les chèques sont également de moins en moins acceptés, pour éviter le risque de non‑paiement. Tous ces arguments plaident pour un maintien de l’accès à l’argent liquide.
Il existe déjà des solutions qui peuvent être mises en œuvre pour assurer l’accès à l’argent liquide sur l’ensemble du territoire. L’une des solutions est le « retrait d’espèces à l’achat, cash back en anglais, qui est un service qui vous permet de retirer de l’argent en espèces chez un commerçant après avoir réalisé un achat par carte bancaire » ([5]).
Ce dispositif repose sur un principe gagnant‑gagnant pour le commerçant et pour le client. En effet, il permet d’attirer des clients qui vont consommer dans le commerce, tout en permettant un accès facile et pratique à l’argent liquide pour le client.
Malheureusement, ce dispositif reste peu utilisé en France, avec « seulement 27 418 commerces qui proposent un dispositif de retrait d’espèces via sa carte bancaire » ([6]). Les raisons de cette faible utilisation sont nombreuses : méconnaissance de la part des particuliers, contraintes réglementaires (plafonnement du retrait) ou encore les enjeux liés à la logistique et la sécurité pour les commerçants.
A ce jour, le service de cash back est particulièrement encadré : plafonds minimaux et maximaux de retraits, obligation d’affichage, obligation d’achat à côté du retrait demandé… Cette base juridique est nécessaire, notamment pour lutter contre le blanchiment d’argent, il existe pourtant des solutions pour permettre le développement du cash back. C’est l’objet des deux premiers articles de cette proposition de loi.
L’autre problématique d’accès à l’argent liquide repose en toute logique sur la disparition progressive des distributeurs automatiques de billets, qui accompagne généralement le départ des agences bancaires. Les territoires ruraux sont particulièrement concernés, poussant les particuliers à faire de nombreux kilomètres pour bénéficier d’un service bancaire pour lequel ils paient pourtant via les frais bancaires. Certains organismes bancaires font également le choix de se retirer progressivement des zones urbaines, un mouvement voué à s’accélérer significativement dans les 10 prochaines années avec l’accélération de la dématérialisation des opérations bancaires.
Face à ces constats, et parallèlement au développement du service de cash back, le maintien d’une large couverture territoriale en distributeurs automatiques de billets paraît pleinement justifié, afin de répondre aux attentes de nos concitoyens et surtout de lutter contre les inégalités d’accès à l’argent liquide qui touchent bien souvent les plus démunis. C’est le sens du troisième article de cette proposition de loi.
Il existe bien sûr d’autres services d’accès à l’argent liquide, tel que la livraison d’argent liquide par La Poste, mais elle présente bien souvent des défauts d’accès encore plus importants, notamment pour effectuer la demande ou pour assurer la sécurité de la livraison.
La présente proposition de loi propose donc des solutions pour garantir l’accès à l’argent liquide dans tous les territoires.
L’article 1er de cette proposition de loi vise à développer le cash back commerçant, que ce soit en facilitant son accès pour le client ou en développant son intérêt économique pour les commerçants. Ainsi, il propose d’augmenter le plafond maximal pour chaque opération de cash back en le fixant à 150 euros par opération. Il garantit également la gratuité de ce service pour le client (en dehors de l’achat de biens ou de services), et propose un encadrement des frais bancaires potentiellement applicables aux commerçants par les établissements bancaires.
En outre, afin d’améliorer l’information des consommateurs sur les différentes possibilités d’accès à l’argent liquide recensées sur un territoire donné, il prévoit l’obligation pour la Banque de France de tenir à disposition du public une cartographie des commerces offrant ce service sur la base des déclarations renseignées par les commerçants volontaires, ainsi que des distributeurs automatiques de billets, alimentée pour sa part par une obligation d’information pesant sur les organismes bancaires eux‑mêmes.
L’article 2 crée un cadre incitatif pour les commerçants, en rendant déductibles de l’impôt sur les sociétés d’une part les frais et coûts associés à la mise à disposition de ce service, notamment les frais bancaires d’opérations, ainsi qu’une fraction du volume global de liquidités distribuées, selon des modalités définies par décret. Ainsi, les commerçants ne supporteront aucuns frais liés à cette activité et bénéficieront d’un avantage fiscal assis sur le volume d’opérations de cash back.
L’article 3 de cette proposition de loi vise à garantir le maintien d’un maillage dense en distributeurs automatiques de billets, afin de compenser la carence des établissements bancaires. S’inspirant du service universel postal, il confie au groupe La Poste une nouvelle mission de service public de service universel de la monnaie fiduciaire, visant à garantir un accès de proximité, sur l’ensemble du territoire, à un distributeur automatique de billets, fonctionnel et approvisionné.
Confiée pour une durée de 15 ans, cette mission serait contrôlée par la Banque de France et l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) et ferait l’objet, comme pour le service universel postal, d’une information triennale du Parlement. Au regard des contraintes posées par la loi organique relative aux lois de finances, il reviendra à une loi de finances le soin de fixer les modalités de compensation financière pour La Poste du financement complet des coûts de cette mission. Il serait d’ailleurs souhaitable que les banques concourant à la carence en distributeurs automatiques de billets y contribuent largement.
Enfin, l’article 4 prévoit les gages de dépenses et de charges permettant de couvrir les pertes de recettes résultant de l’article 2 et la charge de compensation de la mission de service public prévue par l’article 3.
[1] IFOP, 2024.
[2] Banque de France, 2024.
[3] Banque de France, 2024.
[4] Banque centrale européenne, Number of offices, France, 2025.
[5] Site du ministère de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, 2024.
[6] Les Echommerces, 2025.