Mesdames, Messieurs,
La fraude, sous toutes ses formes, constitue un fléau social, économique et moral. Notre pays se distingue et s’honore par ses nombreux dispositifs d’aide qui permettent de venir au secours aux plus vulnérables grâce aux minima sociaux ; d’assurer à tous un filet de sécurité via la sécurité sociale et l’assurance chômage ; de créer et d’innover par les aides aux entreprises ; de réussir la transition écologique grâce aux aides à la rénovation. À ce titre, il n’est pas acceptable que ces dispositifs puissent être détournés car, en plus d’affaiblir la solidarité nationale, ces détournements compromettent la confiance des citoyens dans l’État et ses institutions.
La fraude est aussi un enjeu de justice. Le consentement à l’impôt et la juste contribution de chacun à la charge publique constitue un principe fondamental du pacte républicain depuis la Déclaration des Droits de l’Homme de 1789. Cette juste contribution doit permettre la une redistribution équitable des richesses selon des règles claires. Leur détournement aggrave le sentiment d’injustice de nos concitoyens, particulièrement chez ceux qui respectent les règles et attendent légitimement, en retour, l’aide de la puissance publique pour subsister ou améliorer leurs conditions de vie.
Enfin, la lutte contre la fraude est également un enjeu majeur pour nos finances publiques. Dans un contexte de prélèvements obligatoires élevés et d’efforts de modération de la dépense publique demandés à tous, le bon usage des deniers publics et le bon recouvrement des prélèvements dus constituent une exigence politique majeure.
L’année 2023 a été une année record en matière de mise en recouvrement, de détection et de saisies concernant toutes les fraudes. Cela a été permis par le travail mené par les Gouvernements depuis 2018 et la loi relative à la lutte contre la fraude, puis le plan présenté par le Gouvernement au printemps 2023 et enfin la loi douanes du 18 juillet 2023. Ces évolutions ont permis de mettre en œuvre des mesures cruciales qui permettent aujourd’hui des résultats très concrets.
Si beaucoup a été fait, ces derniers mois ont révélé de nouveaux schémas de fraude organisée mis en place par des réseaux structurés pour détourner des aides publiques, à l’instar notamment de MaPrimeRénov’, pour lequel Tracfin a traité pour 400 millions d’euros d’alertes en 2023, des aides à l’accessibilité ou des dispositifs de soutien de l’apprentissage. C’est aussi le cas des certificats d’économies d’énergie (CEE) qui constituent un point d’attention majeur compte tenu de l’enjeu financier croissant qu’ils représentent et des schémas particulièrement fraudogènes qui accompagnent leur fonctionnement.
C’est pourquoi une nouvelle offensive législative en matière de lutte contre les fraudes s’impose.
Alors que la tentation existe souvent d’invoquer le produit de la lutte contre la fraude comme alternative à des efforts demandés à l’ensemble de nos concitoyens, nous ne pouvons‑nous permettre de laisser prospérer l’idée selon laquelle nous n’irions pas assez loin en la matière et devons continuer de faire la preuve de notre action ferme et résolue pour lutter contre les différentes formes de fraudes aux finances publiques.
L’article 1er vise à lutter contre la fraude à la source en introduisant un pouvoir de suspension temporaire du versement des aides publiques en cas de suspicion de fraude. Nombre d’organismes verseurs d’aides hésitent encore parfois trop longtemps avant de mettre en place une suspension du versement des aides en cas de suspicion de fraude, faute de cadre juridique les y autorisant et parfois aussi par crainte de contentieux administratif. Un dispositif de suspension du versement en cas d’indices de fraude permettra d’éviter les hésitations parfois constatées chez certains organismes sur la manière de justifier une suspension et pourrait aussi améliorer leur réactivité dans le blocage des versements indus de fonds publics.
L’article 2 permet d’exploiter pleinement le partage d’informations entre services de lutte contre les fraudes et organismes qui versent les aides pour identifier plus rapidement les schémas frauduleux. Cet article prévoit d’abord une levée du secret professionnel dans les différents codes afin d’élargir et de systématiser les échanges internes à l’administration. Il permet également à Tracfin de transmettre des informations à l’agence nationale de l’habitat (ANAH) pour lutter contre les fraudes relatives à la prime « MaprimRénov ». L’article 2 permet ensuite des échanges d’informations en matière de fraude à l’identité et documentaire entre services des préfectures et les organismes de protection sociale. La fraude à l’identité et documentaire est l’un des principaux supports des fraudes sociales.
L’article 3 renforce la lutte contre la fraude à la rénovation. Il permet d’abord de rétablir le délit d’absence d’immatriculation au registre nationale des entreprises (RNE) pour permettre aux agents de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (CCRF) de constater cette infraction et de sanctionner les professionnels ne disposant pas de la qualification alléguée auprès des consommateurs. L’article permet ensuite d’interdire le démarchage téléphonique pour les travaux d’adaptation du logement au handicap et à la vieillesse. Des sanctions pécuniaires pourront être prononcées par les services d’enquête CCRF jusqu’à 375 000 euros pour les personnes morales, et 75 000 euros pour les personnes physiques. Il permet également d’étendre l’interdiction sectorielle du démarchage téléphonie aux sollicitations par SMS, réseaux sociaux et courriels afin d’éviter la captation des chantiers par des professionnels peu scrupuleux.
L’article permet ensuite d’assurer l’information du consommateur lorsqu’un professionnel recourt à un ou plusieurs sous‑traitants pour réaliser des travaux de rénovation énergétique et éviter que le consommateur perde le bénéfice des soutiens conditionnés à la réalisation des travaux par des professionnels reconnus garant de l’environnement (RGE). S’il fait appel à un sous‑traitant non RGE, le consommateur sera également informé sur les conséquences l’article permet de l’informer quant à la perception des aides publiques.
L’article permet également aux enquêteurs de la CCRF de suspendre ou retirer le label RGE en cas d’anomalies graves constatées lors des contrôles afin de mettre rapidement hors d’état de nuire les grands fraudeurs.
Dans le même sens, l’article 4, permet de renforcer la lutte contre la fraude aux certificats d’économie d’énergie (CEE). Il permet d’abord de limiter la création de comptes sur les registres des CEE lorsqu’il existe un risque important de fraude en raison de l’origine du compte ou des schémas employés. Cet article permet également de prendre des sanctions lors d’un contrôle avant délivrance des CEE dès le dépôt de la demande en cas de constatation d’une infraction et d’étendre les informations publiables relatives aux sanctions prononcées afin d’améliorer la transparence sur le marché.