Mesdames, Messieurs,
Selon les chiffres du Haut Conseil à la vie associative (HCVA) ([1]), on compte aujourd’hui en France 1,3 million d’associations, ce chiffre progressant en moyenne de 2,8 % par an. Ce dynamisme est permis par un engagement humain, tant bénévole que salarié. On décompte en effet 16 millions de bénévoles, mais aussi 1,8 million de salariés, soit 5 % des salariés français. Le monde associatif a donc un poids économique significatif ; en effet, il convient d’ajouter aux 85 milliards d’euros de budget 1,7 milliard d’heures de bénévolat. En prenant le SMIC comme coût de référence de l’heure de travail, la contribution bénévole s’élève alors à 19,7 milliards d’euros. Mais si on la valorise au salaire horaire de référence versé aux salariés associatifs, on arrive au montant de 39,5 milliards d’euros. Il faut également ajouter à cela les mises à disposition gratuites de moyens matériels et humains.
Les salariés du monde associatif se trouvent principalement dans trois secteurs : le secteur sanitaire et social, le secteur culturel et le secteur sportif. Le rôle des associations dans ces secteurs est primordial, véritable complément de l’action privée lucrative et de l’action étatique, voire parfois véritable palliatif de l’absence ou du désengagement de l’État. À titre d’exemple, il convient de citer le cas du secteur du handicap, dont les prestations sont majoritairement portées par le secteur associatif, à la fois dans une concertation avec les pouvoirs publics et avec des incitations particulières par ceux‑ci à développer certains aspects de l’offre ([2]). C’est également la situation de la protection de la nature, où l’action des associations n’est pas seulement louable, mais aussi nécessaire pour intervenir là où les acteurs économiques ne voient que peu d’intérêt, et où l’État ne souhaite s’engager parfois qu’à la marge. Il est donc nécessaire de s’assurer que nos associations puissent fonctionner efficacement, et de leur permettre d’agir avec le moins de contraintes et le plus d’aide possible.
Pour fonctionner, le secteur associatif à des besoins de financement, et, si en 2005 les associations tiraient la majeure partie de leurs ressources (51 %) de financements publics, ces financements ne représentaient plus que 49 % de leurs ressources en 2011. En particulier la part des subventions publiques est passée de 34 % des ressources à 24 % de celles‑ci. Viviane Tchernogog, chercheuse CNRS dans le domaine de l’analyse économique des associations, énonce ainsi que « en quelques années le partenariat public s’est considérablement modifié, et il est passé progressivement d’une logique d’accompagnement de l’action des associations à une logique d’instrumentalisation des associations désormais outil des politiques publiques » ([3]).
Face à cette baisse du financement public, les associations se sont tournées vers le secteur privé, qui est aujourd’hui la première source de financement du secteur associatif. Depuis 2012, le montant des exonérations fiscales liées aux dons aux associations est supérieur à celui des subventions versées par l’État à celles‑ci ([4]). Parmi les ressources privées, la majorité provient des usagers de l’association, via les cotisations ou la participation aux services rendus ([5]).
L’article 1er vise à intégrer la possibilité pour les associations de conserver un éventuel excédent trop‑versé au‑delà d’un bénéfice raisonnable, dans la définition de la subvention. En effet, bien que rien ne les empêche juridiquement de réaliser des bénéfices, les associations disposent en général de peu de fonds propres, ce qui peut constituer un obstacle à leur développement. Cette situation est liée à leur modèle économique, non capitalistique, et à la nature de leurs activités essentiellement à but non lucratif.
Dans le cadre de la relation avec les financeurs publics, des solutions peuvent être trouvées pour faire reconnaître et appliquer le principe d’excédent raisonnable. Cet excédent consiste à conserver une partie des fonds octroyés dans le cadre d’un financement public, pour autant que les objectifs partagés aient été atteints et que l’excédent constitué relève d’une maitrise des dépenses n’ayant pas nui à l’exécution des missions.
L’article 2 de cette proposition de loi vise donc à faciliter le financement des associations, en laissant aux réseaux associatifs (associations ou fondations reconnues d’utilité publique, fonds de dotation, associations régies par les articles 21 et suivants du code civil local applicable dans les départements du Bas‑Rhin, du Haut‑Rhin et de la Moselle) la possibilité de développer des opérations de mutualisations de trésorerie entre leurs membres, pour permettre par exemple que la trésorerie des uns profite à ceux qui ont des difficultés. Cela permettra aux associations membres de réseaux de se financer entres elles, et non plus de passer par un financement bancaire, qui a tendance à peser excessivement sur les budgets des associations.
L’objectif ici est d’étendre une possibilité, une exception existant déjà pour les entreprises ayant entre elles, directement ou indirectement, des liens de capital conférant à l’une des entreprises liées un pouvoir de contrôle effectif sur les autres, aux réseaux associatifs qui se heurtent à l’obstacle de l’article L. 511‑5 du code monétaire et financier sur le monopole bancaire.
L’article 3 présente un double objectif. Il vise dans un premier temps à mieux identifier les comptes inactifs appartenant aux associations régies par la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association ou par le code civil applicable dans les départements du Bas‑Rhin, du Haut‑Rhin et de la Moselle et d’en publier le nombre et le montant total des dépôts.
Dans un second temps, il tend à prévoir qu’une partie des sommes figurant sur les comptes associatifs à la Caisse des dépôts et consignation (CDC) au terme de 10 ans, puisse revenir à l’État annuellement sans attendre le nouveau délai de 20 ans, afin d’alimenter le Fonds de développement de la vie associative (FDVA). Ce transfert concernerait les comptes des associations, associations reconnues d’utilité publique, fondations reconnues d’utilité publique et organes assimilés.
Une commission serait chargée chaque année de fixer le pourcentage des sommes figurant sur ces comptes associatifs gérés par la caisse, qui seraient reversé au FDVA et le pourcentage de celles devant être maintenu au sein de la caisse pour faire face à d’éventuelles revendications.
L’article 4 doit permettre une réutilisation des biens confisqués à la suite d’une décision pénale devenue définitive à des fins d’intérêt public ou pour des finalités sociales. L’article 706‑160 du code de procédure pénale confie à l’Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués une compétence de gestion de tous les biens immobiliers confisqués qui lui sont confiés. L’Agence dispose ainsi des compétences de gestion des biens confisqués au profit de l’État.
Il est donc proposé de compléter, en les précisant, les compétences de l’Agence par un ajout à l’article 706‑160 du code de procédure pénale lui permettant, dans le cadre de ses compétences de gestion, une mise à disposition des biens immobiliers confisqués à des fins de réutilisation sociales au profit d’associations reconnues d’intérêt général ou à des entreprises solidaires d’utilité sociale agréées. Cette mise à disposition peut être effectuée à titre gratuit. En contrepartie, l’utilisateur de l’immeuble prend à sa charge l’ensemble des charges et les travaux, de quelque nature que ce soit, afférents à l’immeuble.
L’article 5 vise à faire établir un rapport par le Gouvernement afin d’établir un état des lieux de la fiscalité liée aux dons et des autres dispositifs possibles, ainsi que du modèle économique particulier des organismes d’intérêt général qui repose en grande partie sur les ressources issues de la générosité ; ces ressources étant très fortement dépendantes des dispositifs fiscaux incitatifs. Cela permettra d’avoir une vision d’ensemble plus claire et précise des différentes modalités de dons, et ainsi faire émerger des pistes d’amélioration et de rationalisation de ces dispositifs.