Recours à une loi spéciale jusqu’au vote de la loi de finances de l’année
Le Gouvernement prend acte de l’échec de la commission mixte paritaire qui s’est réunie le 19 décembre, et de l’impossibilité qui en résulte pour le Parlement d’adopter un budget avant le 1er janvier 2026.
En conséquence, en vue d’assurer la continuité de la vie nationale, il revient au Gouvernement de déposer sur le bureau de l’Assemblée nationale un projet de loi spéciale et mettre en œuvre un décret pour services votés, comme cela a été effectué l’an dernier, dans l’attente du vote de la loi de finances pour 2026.
En effet, il se déduit de la jurisprudence du Conseil constitutionnel (décision n° 79‑111 DC du 30 décembre 1979, Loi autorisant le Gouvernement à continuer à percevoir en 1980 les impôts et taxes existants), qu’il appartient au Gouvernement de déposer un projet de loi spéciale lorsqu’il apparaît qu’une loi de finances ne pourra pas être promulguée avant le début du prochain exercice budgétaire.
Sur le fondement de ces dispositions et de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, le Gouvernement présente ainsi à la représentation nationale le présent projet de loi spéciale : il vise à assurer la continuité de la vie nationale et le fonctionnement régulier des services publics en 2026, dans l’attente de l’adoption de la loi de finances pour 2026.
Il est précisé que, conformément aux dispositions constitutionnelles et organiques, en parallèle de ce projet de loi spéciale, le Gouvernement procèdera par décret aux ouvertures de crédits se rapportant aux services votés : dans ce cadre, il est rappelé que seules pourront être engagées et exécutées les dépenses jugées indispensables pour poursuivre l’exécution des services publics dans les conditions qui ont été approuvées l’année précédente par le Parlement. En toute hypothèse, les crédits mobilisés dans le cadre des services votés ne pourront excéder le montant des crédits ouverts par la dernière loi de finances de l’année : le strict respect de ces dispositions est d’autant plus nécessaire que ce dispositif ne constitue qu’un cadre temporaire, d’attente de la promulgation de la loi de finances initiale pour 2026. Le Gouvernement veillera donc à ce que le déroulement de la gestion en début d’année 2026 ne préempte pas les votes à venir sur les autorisations de crédits et les emplois, ni au global, ni à la maille de chacune des politiques publiques, en considérant que le vote final conduira à une révision des plafonds qui pourra être tant à la hausse qu’à la baisse.
Contenu de la loi spéciale
Dans sa décision précitée de 1979, le Conseil constitutionnel a considéré que la loi n° 79‑1159 du 30 décembre 1979 autorisant le Gouvernement à continuer à percevoir en 1980, jusqu’à l’entrée en vigueur de la loi de finances pour 1980, les impôts, produits et revenus existants affectés à l’État, aux collectivités territoriales, aux établissements publics et organismes divers habilités à les percevoir n’était pas contraire à la Constitution : « considérant que, bien qu’elle ne soit pas au nombre des lois mentionnées à l’article 2 de l’ordonnance du 2 janvier 1959, cette loi, tout comme les lois prévues à l’article 44, 1 ° et 2 °, de cette ordonnance, doit être considérée comme une loi de finances, au sens de l’article 47 de la Constitution ; qu’en effet, les dispositions qu’elle comporte sont de celles qui figurent normalement dans une loi de finances ; qu’ainsi, elle constitue un élément détaché, préalable et temporaire de la loi de finances pour 1980 » (considérant 4).
Eu égard à ces éléments, le présent projet de loi spéciale contient trois articles, considérés nécessaires à la continuité de la vie nationale et au fonctionnement des services publics jusqu’à l’adoption de la loi de finances initiale pour 2026, ou les sécurisant.
L’article premier du projet de loi spéciale vise ainsi à autoriser à percevoir les impôts existants. Cette disposition est nécessaire pour garantir le financement de l’État et des autres personnes morales affectataires des impositions de toutes natures. L’autorisation est donnée pour 2026, pour une durée temporaire jusqu’à l’entrée en vigueur de la loi de finances de l’année ; elle emporte également la reconduction des prélèvements sur les recettes mentionnées à l’article 6 de la LOLF, dont le prélèvement sur recettes au profit de l’Union européenne (PSR‑UE).
Le deuxième article vise à conforter la reconduction des prélèvements sur les recettes de l’État au profit des collectivités territoriales, jusqu’à l’entrée en vigueur de la loi de finances initiale pour 2026 : ces dispositions reproduisent celles de la loi n° 2024‑1188 du 20 décembre 2024 spéciale prévue par l’article 45 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances, telle qu’amendée et enrichie au cours de l’examen parlementaire. Ainsi, cet article reconduit à l’identique, de façon temporaire, les évaluations des prélèvements sur recettes de l’État au profit des collectivités territoriales telles qu’elles figurent dans la loi de finances initiale pour 2025. De la même manière que pour les plafonds de crédits pour les missions du budget général, il doit être considéré que ces montants ne constituent ni une évaluation définitive pour 2026, ni des planchers, en particulier pour les prélèvements sur recettes dont le montant est fixé par la loi de finances : ils ont vocation à être ajustés, à la hausse comme à la baisse, dans le cadre de la suite de la discussion parlementaire sur le projet de loi de finances.
Le troisième article du projet de loi spéciale vise à autoriser, en 2026, les opérations d’emprunts, de gestion de la dette et de trésorerie de l’État. En l’absence de telles dispositions, la sécurité des opérations de financement de l’État ne serait plus assurée à compter du 1er janvier 2026, dans un contexte où le recours à des emprunts à long, moyen et court termes revêt aujourd’hui un caractère indispensable pour la continuité de la vie nationale.
En revanche, à la différence de la loi n° 2024‑1188 du 20 décembre 2024 spéciale prévue par l’article 45 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances, le présent projet de loi spéciale ne prévoit pas d’autorisation d’emprunt d’organismes de sécurité sociale, compte tenu de l’adoption définitive de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2026 et de sa promulgation à venir.