Mesdames, Messieurs,
La simplification du droit de l’urbanisme et du logement, souvent perçu comme excessivement complexe et pénalisant l’émergence de projets, est régulièrement citée parmi les priorités des acteurs du monde du logement et de la construction, comme des collectivités territoriales.
Selon un récent rapport du Sénat par exemple, 50 % des collectivités territoriales interrogées en font un secteur prioritaire de simplification. Les procédures d’élaboration et d’évolution des documents d’urbanisme, d’instruction et de délivrance des demandes d’autorisations d’urbanisme se sont multipliées et alourdies au cours des dernières décennies, entraînant un accroissement du risque juridique et de nouveaux coûts difficilement compréhensibles alors que le pays traverse une crise aigüe du logement.
Plusieurs axes majeurs de simplification font désormais l’objet d’un diagnostic clair, confirmé par de nombreux travaux d’études, rapports d’inspection et parlementaires.
Premièrement, simplifier les procédures à la charge des collectivités territoriales en matière d’urbanisme, d’aménagement et de construction.
Au premier rang des difficultés relevées par les collectivités territoriales et les porteurs de projets figure les lourdeurs liées à l’élaboration et à l’évolution des documents de planification en matière d’urbanisme : les plans locaux d’urbanisme et les schémas de cohérence territoriale. Ces procédures sont difficilement lisibles pour les élus locaux : à titre d’exemple, il existe aujourd’hui quatre procédures distinctes d’évolution des plans locaux d’urbanisme, applicables selon les modifications qui y sont apportées.
Or les communes et les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) ne disposent pas tous de l’ingénierie nécessaire, et le recours à des bureaux d’études représente souvent un coût élevé pour les finances publiques locales et pour des durées qui n’ont de cesse de s’allonger.
Alors que les exigences nouvelles imposées par les lois successives, comme l’émergence de nouveaux projets locaux, imposent de réviser ou de modifier régulièrement ces documents, il importe de faciliter significativement la conduite de ces procédures. Il est tout aussi nécessaire de redonner de la souplesse aux documents et règles d’urbanisme, afin qu’ils puissent accueillir la diversité des projets qui émergent au cœur des territoires, notamment en matière de production de logements.
Soutenir les projets d’aménagement et d’urbanisme des collectivités territoriales implique également d’améliorer leur accès à l’ingénierie locale, en facilitant le recours aux outils essentiels que sont, par exemple, les établissements publics fonciers ou les sociétés publiques locales d’aménagement d’intérêt national (SPLA‑IN).
Deuxièmement, simplifier la délivrance des autorisations d’urbanisme et les renforcer.
Accélérer cette phase d’autorisation, c’est permettre aux projets de sortir plus vite de terre. De récentes lois ont prévu des procédures innovantes, comme le permis d’aménager dit « multisites », particulièrement adapté aux opérations complexes : ces simplifications, lorsqu’elles ont démontré leur pertinence, doivent être encouragées et répliquées.
L’accélération des procédures doit aussi concerner les éventuels recours déposés contre les autorisations et documents d’urbanisme.
Les porteurs de projet ne peuvent obtenir des financements ni démarrer les opérations sans avoir préalablement purgé l’autorisation des éventuels recours. Or ces délais de recours, tout comme les délais de jugement, restent perçus comme particulièrement long. Ce constat avait conduit, dans le cadre de la loi portant évolution du logement de l’aménagement et du numérique (ELAN) en 2018, à proposer plusieurs avancées pour accélérer le traitement du contentieux, qui peuvent néanmoins être approfondies.
Surtout, les documents d’urbanisme, plus complexes et plus lourds qu’auparavant, sont eux aussi fragiles face aux recours, comme l’ont démontré plusieurs cas d’annulation de plan local d'urbanisme intercommunal (PLUi) ces dernières années. Cette insécurisation se répercute, in fine, sur les collectivités territoriales et sur les porteurs de projet ; alors même que les exigences de concertation et de participation du public ont été significativement renforcées en amont des procédures.
Troisièmement, faciliter la production de logements abordables à destination des travailleurs, dans les territoires marqués par une ré‑industrialisation menée de manière volontariste.
Plusieurs territoires ont ainsi été identifiés comme pouvant accueillir plusieurs centaines, voire plusieurs milliers d’emplois, dans le cadre de politiques industrielles et économiques menées de façon volontariste par les élus locaux, en lien avec l’État. Ces territoires ont expérimenté depuis plusieurs années de nouveaux types de logements, notamment sociaux. Toutefois, ces réflexions et expérimentations se heurtent parfois à des difficultés qui ralentissent la production de logements dont la production est pourtant nécessaire.
Ces constats sont clairs : il faut désormais traduire rapidement les simplifications nécessaires dans le droit pour soulager la charge des porteurs de projet et accélérer l’atteinte de nos objectifs de production de logement mais aussi d’amélioration de nos infrastructures, de production d’énergie ou de réindustrialisation.
C’est l’objet de la présente proposition de loi.
L’article 1er prévoit plusieurs simplifications visant à faciliter les procédures d’urbanisme et les projets de construction menés par les collectivités territoriales.
Le I assouplit les obligations de solarisation et de végétalisation pesant sur les bâtiments publics, dans le respect du droit européen. Cette modification permettra de lisser la trajectoire d’investissement des collectivités, dans un contexte budgétaire contraint, sans renoncer à l’ambition finale.
Le II rassemble plusieurs simplifications en matière d’urbanisme et prévoit de renforcer les outils opérationnels d’aménagement sur lesquels les collectivités locales peuvent s’appuyer.
Il simplifie les procédures relatives à l’extension des périmètres des établissements publics fonciers locaux (EPFL). La couverture du territoire par ces établissements doit être encouragée, car ils représentent des outils majeurs d’ingénierie pour déployer les stratégies foncières des communes et des intercommunalités (conduite d’études, portage et proto‑aménagement du foncier…). Des situations de blocage ont toutefois été identifiées, et il est donc prévu d’ouvrir cette possibilité dans le cas des communes compétentes en matière de document d’urbanisme, en lien avec l’EPCI.
Il propose également d’élargir les missions pouvant être confiées par les collectivités aux sociétés publiques locales d’aménagement d’intérêt national (SPLA‑IN). Si celles‑ci peuvent déjà construire ou réhabiliter des équipements d’intérêt collectif, elles ne peuvent pas toutefois en assurer, même temporairement, l’entretien et la maintenance, qui en sont pourtant une suite logique.
Il prévoit la fin de la caducité des schémas de cohérence territoriale (SCoT). Un tel mécanisme de caducité n’existe pas pour les plans locaux d’urbanisme (PLU). Il est donc proposé, dans une logique de simplification et d’harmonisation du droit, de supprimer la caducité des SCoT, pour que les collectivités territoriales puissent mieux maîtriser le « cycle de vie » de ces documents.
Il facilite l’évolution des plans locaux d’urbanisme (PLU), en élargissant les cas dans lesquels la procédure de modification simplifiée s’appliquera, en augmentant de 20 % à 50 % le seuil de majoration de construction au‑delà duquel une procédure de modification doit être mise en place. Cette adaptation est cohérente avec le besoin de refaire la ville sur la ville plus rapidement, en équilibrant les opérations. Toute évolution d’ampleur des règles du PLU, ayant par exemple pour conséquence de réduire un espace boisé classé, une zone agricole, naturel et forestière ou une protection édictée, restera néanmoins soumise à la procédure de révision du plan local d’urbanisme.
L’article 2 donne davantage de souplesse aux plans locaux d’urbanisme, notamment afin de produire du logement libre et social adapté aux besoins.
Le I permet d’adapter les normes applicables au logement social pour accueillir les travailleurs de manière temporaire et ciblée sur un territoire, en adaptant le cadre de la résidence hôtelière à vocation sociale, de manière temporaire. Ces souplesses doivent permettre la production de logements abordables mis à disposition de travailleurs ponctuels pendant quelques années, avant de pouvoir venir augmenter l’offre de logements sociaux pérennes du territoire.
Le II complète les dispositions existantes relatives aux possibilités de dérogation au plan local d’urbanisme. Il étend tout d’abord le champ d’application des dérogations au PLU déjà prévues par le droit existant, aujourd’hui uniquement applicables dans les zones où s’applique la taxe sur les logements vacants, en les élargissant à l’ensemble des communes tendues. Par ailleurs, il facilite la transformation des zones d’activité ou zones tertiaires, pour faciliter la reconversion des friches et des entrées de ville, en prévoyant une plus grande souplesse pour les plans locaux d’urbanisme qui n’avaient prévu qu’une vocation monofonctionnelle pour ces zones, freinant donc la production de logements ou la diversification de ces quartiers. Cette démarche fait écho aux propositions portées par le député Daubié dans le cadre de sa proposition de loi visant à faciliter la transformation des bureaux en logements.
L’article 3 généralise, sous conditions, la possibilité de recourir au permis d’aménager dit « multisites », aujourd’hui réservé à certains périmètres comme les projets partenariaux d’aménagement (PPA) et les opérations de revitalisation de territoire (ORT). Cet outil permet de faciliter l’instruction des autorisations d’urbanisme d’opérations complexes touchant des parcelles non contigües : c’est un gain de temps et de ressources tant pour les collectivités territoriales ou services compétents que pour les porteurs de projets.
L’article 4 accélère le traitement des affaires contentieuses en matière d’urbanisme, aussi bien s’agissant des autorisations que des documents d’urbanisme.
Il renforce les sanctions de la police de l’urbanisme, compétence des communes et des EPCI. Les élus locaux font en effet face à des enjeux croissant de lutte contre les constructions illégales, comme par exemple la « cabanisation » constatée au sein des zones agricoles, forestières ou naturelles. Dans d’autres cas, les implantations illégales, contrevenant aux choix opérés par la collectivité dans son document d’urbanisme, immobilisent le foncier pourtant fléché vers d’autres opérations de construction ou d’aménagement. Il réduit les délais de recours contre les autorisations d’urbanisme : le délai pour introduire un recours gracieux sera raccourci à un mois, au lieu de deux actuellement, et il est mis fin au caractère suspensif du recours gracieux, permettant de gagner jusqu’à quatre mois.
Tel est l’objet de la présente proposition de loi.