La crise sanitaire liée à la covid‑19, la guerre d’invasion qui se déroule aux portes de l’Europe et l’intensification de l’impact du changement climatique démontrent l’impérieuse nécessité de consolider la souveraineté alimentaire française et européenne, et d’ériger cet impératif comme l’une des priorités stratégiques de nos politiques publiques.
Afin d’atteindre cet objectif, qualifié par le Président de la République de « mère des batailles », un cadre clair et ambitieux a été posé pour notre politique agricole et des réformes profondes ont été engagées depuis 2017.
Ces avancées visent en particulier à préserver le revenu agricole et permettre aux femmes et aux hommes qui produisent pour nous nourrir de pouvoir vivre de leur activité, tout en assumant les indispensables transitions agroécologique et climatique.
Des outils spécifiques de protection du revenu agricole ont été instaurés, avec les lois dites « ÉGAlim » et la réforme de l’assurance‑récolte issue du Varenne agricole de l’eau et de l’adaptation au changement climatique.
Un cadre international et européen clair, dans lequel s’inscrit notre action au service de l’agriculture, a aussi été défini avec la réforme et la mise en œuvre de la nouvelle Politique Agricole Commune et la mise à l’agenda européen, dans les différentes enceintes, du principe de réciprocité des normes, soit le respect par les produits importés des normes de production européennes.
Enfin, des trajectoires ambitieuses ont été fixées pour l’adaptation et la lutte contre le changement climatique et l’atteinte de la neutralité carbone en 2050. Elles sont mises en œuvre selon une nouvelle méthode d’action, celle de la planification écologique, pour laquelle des moyens inédits sont déployés.
Ces avancées doivent être à chaque instant confortées, accélérées et prolongées, afin d’offrir un cadre d’action cohérent et lisible au monde agricole, que ce soit au niveau national ou européen et international. Plus encore, il apparaît aujourd’hui essentiel de continuer à interroger l’efficacité de l’ensemble des outils dont nous disposons, afin d’améliorer l’attractivité de la profession agricole, la compétitivité du secteur agricole et de donner à notre agriculture les moyens nécessaires à la mission essentielle qu’elle assure à notre service : produire, afin de nous nous nourrir.
Il s’agit d’un enjeu de souveraineté pour notre Nation et il apparaît par conséquent important d’affirmer avec force que la souveraineté alimentaire de la France est consubstantielle non seulement de son identité, mais aussi de son avenir.
Nos politiques publiques doivent également être pensées en particulier au regard de deux défis intrinsèquement liés, et qu’il nous faut absolument relever pour préserver notre souveraineté alimentaire : celui du changement climatique et de la préservation de la biodiversité, d’une part, et celui du renouvellement des générations, d’autre part.
Le changement climatique et la nécessaire préservation de la biodiversité, tout d’abord, imposent que nous accélérions la reconception des systèmes de production, que nous positionnions l’agriculture au cœur des stratégies de mobilisation de la biomasse nécessaires à la décarbonation de notre économie, mais aussi que nous soutenions la troisième révolution agricole du vivant et de la connaissance, fondée sur l’agronomie et les solutions qui procèdent de la nature, du numérique, de la robotique, de la génomique et de la génétique, du biocontrôle et des innovations organisationnelles. Il est pour cela essentiel d’investir dans la formation, dans la recherche et le déploiement massif, rapide et opérationnel des innovations dans toutes les exploitations agricoles de France. Ces défis imposent également un regard lucide sur la viabilité future de nos modèles agricoles et une adaptation des systèmes de production pour préserver les ressources naturelles tout en pourvoyant alimentation et biomasse pour de multiples usages. Cela nécessite que les agricultrices et agriculteurs de demain soient mieux orientés, formés et accompagnés dans leur installation, projet par projet, filière par filière, territoire par territoire.
Le renouvellement des générations constitue le second défi immédiat pour notre souveraineté alimentaire et agricole, puisque nous faisons face à une dynamique de la démographie de la population agricole qui entraînera une évolution sociale et organisationnelle profonde. En effet, dans dix ans, un tiers des agricultrices et des agriculteurs seront en âge de partir à la retraite, alors même que notre agriculture est à la confluence d’attentes nouvelles toujours plus fortes, que ce soit sur le plan environnemental ou sociétal. Il est par conséquent essentiel de renforcer l’attractivité des métiers du vivant, d’investir avec ambition dans nos ressources humaines, à travers des politiques d’orientation et de formation plus ambitieuses, de développer de nouveaux outils de soutien aux investissements, y compris dans le foncier, et de faire de l’accompagnement à l’installation et aux transmissions un levier stratégique pour proposer des installations humainement, économiquement et écologiquement viables.
Enfin, ce projet de loi vise à offrir à nos agricultrices et nos agriculteurs un cadre simplifié d’action, au service de notre souveraineté alimentaire. Il vise ainsi à traduire les premières mesures concrètes de simplification du vaste chantier annoncé par le Président de la République et le Premier ministre. Il s’agit d’un message de confiance adressé au monde agricole, dont l’activité sera libérée de normes et de contraintes devenues superflues, contradictoires ou excessivement lourdes, sans pour autant sacrifier à nos exigences de protection de la santé humaine, de protection de l’environnement, et de qualité des productions. Améliorer la compétitivité du secteur et l’accès aux facteurs de productions sont des clés pour répondre à la fois au défi du renouvellement des générations et des transitions agroécologiques et climatiques.
Les défis qui s’offrent à notre agriculture ne constituent pas des murs infranchissables. Au contraire, ils doivent être regardés comme de formidables opportunités d’accélérer les transitions à mener, de placer l’agriculture française à l’avant‑garde des mutations à l’œuvre, de conforter son excellence et son importance stratégique pour la Nation et l’Europe, et de retisser ainsi le lien singulier que les Françaises et les Français doivent entretenir avec les femmes et les hommes qui les nourrissent.
Car l’avenir de notre agriculture ne concerne pas uniquement celles et ceux qui la font vivre au quotidien. Il s’agit d’un enjeu qui exige une mobilisation générale. En effet, sans le maintien d’une capacité de production agricole et agroalimentaire ancrée dans nos territoires, nous serions vulnérables sur le plan géopolitique et de la sécurité alimentaire. Nous serions également dépendants d’importations de produits dont les normes de production sont moins exigeantes sur le plan environnemental, social et sociétal. Nous nous verrions privés de la vitalité d’un secteur qui non seulement participe depuis toujours de notre rayonnement international et de notre puissance économique, mais qui est aussi essentiel au dynamisme de nos territoires, vecteur important de solidarités, de valorisation de nos savoir‑faire et de notre patrimoine, pourvoyeur de services écosystémiques nombreux. Enfin, nous nous priverions d’un acteur clé dans la lutte contre le changement climatique, et la décarbonation de notre économie.
Affirmer que l’agriculture est stratégique pour la souveraineté de la Nation, redonner un sens collectif et partagé à la mission singulière qu’assume le monde agricole en favorisant la compréhension mutuelle entre le monde agricole et la société, donner à nos agricultrices et nos agriculteurs, à l’échelle des exploitations, des filières et des territoires les moyens d’être compétitifs et parties prenantes des transitions agroécologique et climatique, faire émerger une nouvelle générations d’agricultrices et d’agriculteurs qui réconciliera impératif productif et climatique : telle est l’ambition du Pacte d’orientation pour le renouvellement des générations en agriculture présenté le 15 décembre dernier par le Gouvernement, et dont procède le présent projet de loi.
Pour construire ce Pacte et ce projet de loi, de larges concertations ont été menées sous l’égide du ministère de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire, des Conseils régionaux et des Chambres d’agriculture. Elles se sont déroulées six mois durant au niveau national comme dans chacune de nos régions métropolitaines et en outre‑mer. Elles ont permis d’associer acteurs du monde agricole, parlementaires, élus locaux, chercheurs et partenaires de l’éducation, ainsi que de consulter les jeunes de l’enseignement agricole et le grand public. Enfin, la société civile a également été mobilisée, à travers la saisine du Conseil Économique, Social et Environnemental.
Cet exercice démocratique d’ampleur a permis, à travers la recherche de consensus sur les orientations à donner à notre politique de souveraineté alimentaire à horizon 2040, de définir des principes et des ambitions largement partagés, ainsi que des logiques d’actions et des mesures à engager et mettre en synergie au niveau européen, national, régional et local.
Le projet de loi qui vous est présenté constitue l’une des déclinaisons législatives des ambitions affirmées par le Pacte d’orientation pour le renouvellement des générations en agriculture et une première traduction concrète du chantier de simplification à l’œuvre.
Ce projet de loi détermine un cap, celui de la souveraineté alimentaire.
Il mobilise deux leviers prioritaires pour préparer les futures générations : celui de l’orientation et de la formation, ainsi que celui de l’installation et de la transmission, pensés de manière globale, en tenant compte de l’intégralité des parcours des porteurs de projet, et en améliorant par conséquent l’attractivité des métiers, la capacité à innover mais aussi à investir avec des outils nouveaux comme le portage de capitaux et de foncier.
Enfin, pour permettre à l’agriculture de répondre de manière immédiate et pour l’avenir à l’impératif productif, tout en réalisant les transitions indispensables face au changement climatique et à la préservation de la biodiversité, il repose sur un principe, celui de la simplification, permettant la clarification du cadre dans lequel les agricultrices et agriculteurs agissent au quotidien et facilitant l’exercice de leur mission.
Le titre Ier du projet de loi, consacré à la souveraineté agricole et alimentaire, comporte un article 1er programmatique unique.
L’article 1er fait de la souveraineté alimentaire un objectif structurant des politiques publiques.
Le 1° du I de cet article affirme le caractère d’intérêt général majeur de l’agriculture, de de la pêche et de l’aquaculture en tant qu’elles garantissent la souveraineté alimentaire de la Nation, qui contribue à la défense de ses intérêts fondamentaux.
Il précise que les politiques publiques concourent à la protection de la souveraineté alimentaire, en déterminant les objectifs qu’elles doivent poursuivre et les actions qu’elles doivent mettre en œuvre à cette fin.
Il prévoit notamment, dans ce cadre, que ces politiques veillent à préserver et à améliorer la souveraineté agricole, liée à la production durable de biomasse sur le territoire et à la décarbonation de l’économie.
Le 2° du I détermine les finalités de la politique d’installation et de transmission en agriculture, qui s’inscrivent dans le cadre de l’objectif stratégique du renouvellement des générations en agriculture et de la contribution de cette politique à la souveraineté agricole.
Son II prévoit la remise par le Gouvernement d’un rapport annuel sur la situation de la souveraineté alimentaire au Parlement.
Le titre II du projet de loi fixe les dispositions relatives à l’orientation et la formation, à la recherche et l’innovation, afin de s’adapter aux nouveaux profils agricoles et de répondre aux nouveaux besoins de compétences.
L’article 2, de nature programmatique, définit les priorités d’action publique en matière d’orientation, de formation, de recherche et d’innovation.
Son I pose les objectifs généraux de ces politiques pour répondre aux enjeux de souveraineté alimentaire et de transitions agroécologique et climatique de la France et affirme le rôle des politiques publiques d’éducation dans la refonte du lien entre la Nation et les secteurs de l’agriculture et de l’agroalimentaire.
Son II fixe les orientations assignées aux politiques publiques pour répondre aux forts besoins en emplois des secteurs de l’agriculture, de l’agroalimentaire qui se manifesteront d’ici 2030, qu’il s’agisse des exploitants, des salariés ou des cadres intermédiaires et supérieurs du service à ces secteurs, comme les vétérinaires. Il fixe également des orientations assignées aux politiques publiques d’éducation.
Il détermine ainsi un objectif d’accroissement significatif, d’ici 2030, du nombre de personnes formées aux métiers de l’agriculture et de l’agroalimentaire, et du niveau de diplôme moyen des nouveaux actifs ainsi que du recours à la formation tout au long de la vie des actifs, afin de faire face aux besoins nouveaux en compétences des secteurs de l’agriculture et de l’agroalimentaire, en particulier en matière de transitions agroécologique, climatique, économique et numérique.
Il pose enfin un objectif d’amplification de l’effort de recherche, d’innovation et de diffusion des connaissances pour l’ensemble des domaines qui concourent aux transitions agroécologique et climatique en agriculture, et d’accélération de la mise à disposition de connaissances exploitables au bénéfice des acteurs concernés, en particulier dans le cadre de l’accompagnement à l’installation des nouveaux agriculteurs.
Le III de cet article prévoit la mise en place d’un programme national d’orientation et de découverte des métiers concernés et des autres métiers du vivant, au niveau élémentaire, pour que chaque enfant bénéficie d’au moins une action de découverte de l’agriculture et de sensibilisation à ses enjeux au cours de sa scolarité, mais aussi au niveau des offres de stages en collège et des actions dans le domaine de l’orientation. Il prévoit en outre l’institution d’un programme national triennal de formation accélérée à destination des professionnels de l’enseignement, de la formation, du conseil et de l’administration qui accompagnent les actifs et futurs actifs du secteur agricole, pour prendre en compte l’urgence qui s’attache au développement de compétences nécessaires à la réalisation des transitions agroécologique et climatique.
Il prévoit enfin que l’État soutiendra l’effort de recherche, d’innovation et de diffusion des connaissances par la mise en place de plans prioritaires pluriannuels de transition et de souveraineté, destinés à élaborer des solutions innovantes dans le cadre de démarches collectives.
L’article 3 reformule, dans son 1°, l’article L. 811‑1 du code rural et de la pêche maritime, relatif aux missions de l’enseignement agricole technique public, pour améliorer sa lisibilité.
D’une part, cette reformulation procède à un renvoi au code de l’éducation pour les dispositions relatives aux principes généraux de l’éducation, lesquels couvrent les sujets mentionnés dans la rédaction précédente de l’article L. 811‑1 : éducation au développement durable ; promotion de la santé à l’école ; développement personnel des élèves, étudiants, apprentis et stagiaires, élévation et adaptation de leurs qualifications et de leur insertion professionnelle et sociale ; service public du numérique éducatif et de l’enseignement à distance ; principes de laïcité, de liberté de conscience et d’égal accès de tous au service public ; lutte contre les stéréotypes sexués. Ce renvoi générique permet de couvrir également d’autres sujets relevant des principes généraux de l’éducation, qui n’étaient pas explicités dans la rédaction précédente de l’article L. 811‑1, comme par exemple la lutte contre le harcèlement scolaire.
D’autre part, cette reformulation regroupe et place à un niveau plus générique l’énoncé des enjeux relatifs aux filières de production et de transformation agricole auxquels l’enseignement agricole technique public répond. La notion générique de performance économique, sociale, environnementale et sanitaire de ces filières est ainsi désormais employée. Cette notion, plus englobante, couvre de nombreux aspects y compris la sensibilisation au bien‑être animal qui figurait dans la rédaction précédente de l’article L. 811‑1.
L’article 3 assigne également à l’enseignement agricole technique public une nouvelle et sixième mission, qui marque la reconnaissance de son rôle majeur en matière de réponse aux enjeux du renouvellement des générations d’actifs agricoles et des transitions écologique et climatique en agriculture, en lui confiant le soin, notamment par l’intermédiaire de ses 800 établissements présents sur l’ensemble du territoire national, de mettre en œuvre toute action répondant durablement aux besoins en emplois et de garantir le développement des connaissances et compétences en matière de transitions écologique et climatique. Cette nouvelle mission tend à l’adoption de toute mesure et plan d’action utiles à l’échelle nationale ou territoriale via les projets d’établissements concourant aux objectifs et programmes définis à l’article 2.
Son II simplifie et rend plus lisible la rédaction de l’article L. 813‑1 du code rural et de la pêche maritime relatif aux missions de l’enseignement agricole technique privé sous contrat en renvoyant, pour la définition de ces missions, à celles qui sont prévues à l’article L. 811‑1 du même code.
L’article 4 crée un dispositif intitulé « contrat territorial de consolidation ou de création de formation », destiné à répondre aux enjeux territoriaux de renouvellement des générations d’actifs dans les secteurs agricole et agroalimentaire en augmentant le nombre de jeunes formés par la voie initiale scolaire dans les établissements de l’enseignement agricole technique.
Ce dispositif pluriannuel sera mis en œuvre dans le cadre du contrat de plan régional de développement des formations et de l’orientation professionnelles établi par la région, dont il viendra renforcer l’application opérationnelle en permettant de formaliser, à l’échelle locale autour de chaque établissement concerné, un engagement des partenaires concernés pour réussir la consolidation ou l’ouverture de formation.
La mise en place de tels contrats se fondera sur une analyse spécifique des besoins en formation de l’enseignement technique agricole conduite dans le cadre du contrat de plan régional de développement des formations et de l’orientation professionnelle.
Chaque contrat engage l’établissement d’enseignement technique agricole concerné, les autorités académiques des ministères chargés de l’agriculture et de l’éducation nationale, la région et les représentants locaux des branches professionnelles. Les autres collectivités territoriales intéressées pourront y participer si elles le souhaitent. Ce contrat donne le cadre à un plan d’action pluriannuel de consolidation des effectifs des classes ou d’ouverture de classes de formation professionnelle attractives qui permettent l’insertion des apprenants, dans l’objectif de former, à l’échelle locale, davantage de futurs actifs de l’agriculture et de l’agroalimentaire. En contrepartie, l’État offre aux établissements engagés dans la démarche une visibilité des moyens alloués sur la durée du contrat.
L’article 5 crée le « Bachelor Agro », dénomination adossée à un diplôme national de niveau « bac+3 » dans les métiers de l’agriculture et de l’agroalimentaire développé conjointement par des établissements publics d’enseignement supérieur et un ou plusieurs établissements d’enseignement technique agricole publics ou privés, accrédités à cet effet.
Ce dispositif, qui repose sur la complémentarité des brevets de techniciens supérieurs et des licences professionnelles, a vocation à devenir un niveau de formation de référence dans les métiers de l’agriculture et de l’agroalimentaire.
Son objet est de conférer une visibilité à l’offre de formation aux métiers de l’agriculture et de l’agroalimentaire, tout en ouvrant une perspective de formation de niveau « bac+3 » aux élèves, étudiants et apprentis intéressés par ces métiers. Il concourt à ce titre à l’objectif d’augmentation significative du niveau de diplôme moyen des nouveaux actifs mentionné à l’article 2.
Le « Bachelor Agro », réalisé après une formation de niveau 5, agricole ou non, concourt à la diversification des profils et des compétences des futurs actifs via une année supplémentaire de formation de niveau 6 qui renforce des compétences agronomiques, managériales, entrepreneuriales et technologiques dans les domaines de la production et de la transformation agricoles. Il permet de diversifier ces compétences, par exemple en matière énergétique ou forestière.
L’article 6 modifie les dispositions relatives au développement agricole et de la recherche agronomique et vétérinaire, prévues respectivement aux articles L. 820‑2 et L. 830‑1 du code rural et de la pêche maritime, pour affirmer et renforcer la mobilisation de leur expertise auprès de l’enseignement technique agricole chargé de la formation des futurs actifs agricoles. Cette évolution favorisera la reconnaissance des experts mobilisés dans ce cadre au sein des institutions dont ils relèvent.
Cette mobilisation d’expertise est indispensable pour garantir une transmission plus rapide de nouvelles connaissances et de nouvelles compétences aux futurs actifs agricoles, notamment celles relatives aux transitions agroécologique et climatique en agriculture, et elle sera conduite dans le cadre du dispositif « experts associés » de l’enseignement agricole, annoncé par le Président de la République le 9 septembre 2022.
En second lieu, l’article élargit les dispositifs relevant du soutien au développement agricole en créant des « plans prioritaires pluriannuels de transition et de souveraineté », dont il précise les objectifs.
À cet effet, il modifie l’article L. 820‑1 du code rural et de la pêche maritime.
Les objectifs du développement agricole sont principalement mis en œuvre au travers du programme national de développement agricole et rural (PNDAR). Ce programme s’appuie sur des moyens accompagnant les missions des instituts techniques agricoles qualifiés, des chambres d’agriculture et des organismes de développement. Il s’appuie également sur des appels à projets de recherche appliquée mobilisant un nombre restreint d’acteurs sur une durée limitée.
L’impact du PNDAR sera renforcé par la mise en œuvre des plans prioritaires pluriannuels de transition et de souveraineté, conformément à l’objectif mentionné à l’article 2, qui permettront une mobilisation plus collective des acteurs de la recherche, de l’innovation et du développement et de son financement.
L’article 7 autorise les auxiliaires vétérinaires justifiant de compétences certifiées par le conseil national de l’ordre des vétérinaires et des élèves des écoles vétérinaires françaises à réaliser certains actes de médecine et de chirurgie vétérinaires au sein de l’établissement de soins qui les emploie et sous la responsabilité d’un vétérinaire. Les conditions de formation, les compétences requises et les actes pouvant être pratiqués seront fixés par voie réglementaire en lien avec l’ordre des vétérinaires.
Cette disposition permettra d’optimiser le travail des vétérinaires dans les établissements de soins vétérinaires en leur permettant de se recentrer sur des actes vétérinaires à plus forte valeur ajoutée, et participera ainsi de la préservation du maillage vétérinaire du territoire national.
Le titre III du projet de loi fixe les dispositions relatives à la politique d’encouragement à l’installation des agriculteurs et à la transmission des exploitations.
L’article 8, de nature programmatique, précise les objectifs auxquels les politiques publiques doivent répondre en matière d’installation des agriculteurs et de transmission des exploitations agricoles, et les moyens que l’État compte se donner pour y parvenir, notamment par la création d’un réseau « France services agriculture » chargé de l’accueil, de l’orientation et d’un accompagnement personnalisé et coordonné des personnes qui souhaitent s’engager ou se retirer d’une activité agricole, par une gouvernance dédiée et partenariale.
L’article 9, de nature programmatique, établit les principes, objectifs et le fonctionnement du diagnostic modulaire, qui sera mis en œuvre progressivement, et au plus tard en 2026. Il permettra d’évaluer les exploitations en amont de leur transmission mais aussi à l’installation puis tout au long de leur cycle de vie, au regard notamment de leur résilience face aux conséquences du changement climatique, telles qu’elles seront estimées compte tenu de la trajectoire de réchauffement de référence pour l’adaptation au changement climatique, de leur degré d’avancement dans les transitions agroécologique et climatique, et des investissements à réaliser pour les anticiper ou les accélérer. Dès 2025, en lien avec le déploiement de « France services agriculture » sera déployé un module spécifique d’évaluation rapide de l’adaptation et de la viabilité des projets d’installation face aux conséquences induites par les dérèglements environnementaux, au premier rang desquels le changement climatique, l’effondrement de la biodiversité et la raréfaction des ressources, dit « stress test » résilience climatique. L’objectif est, à terme, que tout projet d’installation ait pu bénéficier d’une telle évaluation de la résistance de leur modèle économique face aux effets attendus des dérèglements environnementaux.
L’article 10 instaure, en cohérence avec les objectifs fixés à l’article 8, le réseau « France services agriculture ». Il prévoit que ce réseau comporte, dans chaque département, un guichet unique, constitué par la chambre départementale d’agriculture ou son équivalent point d’entrée pour l’ensemble des actifs et futurs actifs agricoles ayant un projet abouti ou émergent d’installation ou de transmission, qui seront tenus de faire appel à ce service. Les missions de service public des chambres seront adaptées en ce sens. Il prévoit l’orientation des porteurs de projet vers des structures de conseil et d’accompagnement agréées par l’État, sur la base d’un cahier des charges national pris après avis d’une instance nationale de concertation, et décliné au niveau régional.
Il prévoit qu’en cas de besoin de formation, la structure de conseil et d’accompagnement compétente élabore un parcours de formation en collaboration avec un établissement public local d’enseignement et de formation professionnelle agricole désigné, dans chaque département, par le ministre chargé de l’agriculture, et chargé de s’assurer que le parcours de formation proposé par la structure de conseil est bien adapté.
Il prévoit que le bénéfice de certaines aides publiques pourra être conditionné au passage par le réseau.
Il adapte les dispositions relatives à l’obligation de déclaration d’intention de cessation d’exploitation afin que les exploitants se fassent connaître et soient accompagnés le plus tôt possible dans la démarche de transmission de leur exploitation. Il prévoit également le regroupement des informations relatives aux exploitants concernés dans un répertoire unique départemental, afin de faciliter les mises en relations entre cédants et repreneurs, ainsi que le pilotage et le suivi des installations et transmissions et d’alimenter l’observatoire national installation‑transmission confié à l’établissement Chambres d’agriculture France.
L’article 11 prévoit que les groupements d’employeurs bénéficient, pour leurs prestations facturées à un membre du groupement exerçant une activité agricole, des mêmes privilèges que ceux qui s’attachent aux créances des salariés et des organismes de sécurité sociale, en cas de défaillance de l’entreprise utilisatrice concernée.
L’article 12 fixe les conditions dans lesquelles peuvent être créés des groupements fonciers agricoles d’investissement (GFAI). Ces groupements ont pour objet d’exercer les missions prévues à l’article L. 322‑6 du code rural et de la pêche maritime, et auront également la capacité de lever des capitaux auprès d’investisseurs. L’actif d’un GFAI est constitué d’immeubles à usage ou vocation agricole en vue de l’exercice d’une activité agricole et de liquidités ou valeurs assimilées. L’article précise les catégories d’investisseurs susceptibles d’investir dans un GFAI et définit leurs règles de fonctionnement.
Le titre IV du projet de loi prévoit des dispositions qui visent à faciliter, simplifier et libérer l’activité agricole.
L’article 13 habilite le Gouvernement à adopter par ordonnance les mesures du domaine de la loi pour adapter le régime de répression des atteintes à la conservation d’espèces animales non domestiques, d’espèces végétales non cultivées, d’habitats naturels et de sites d’intérêt géologique prévu à l’article L. 415‑3 du code de l’environnement ainsi que le régime réprimant les infractions aux dispositions qui soumettent certaines activités à autorisation, enregistrement, agrément, homologation ou certification prévus à l’article L. 173‑1 du même code. L’habilitation permettra d’adapter l’échelle des peines et de réexaminer leur nécessité, de substituer à des sanctions pénales des sanctions administratives et d’instituer des obligations de restauration écologique à la charge des personnes concernées.
L’article 14 adapte le cadre juridique applicable à la gestion des haies.
Issues de l’activité humaine, les haies sont au carrefour des enjeux agricoles, environnementaux et paysagers. Elles assurent, par leur multifonctionnalité, de nombreux services écosystémiques : habitat naturel d’espèces animales et végétales, corridor écologique, stockage de carbone, auxiliaire de cultures, affouragement, production de biomasse et élément paysager structurant des milieux ruraux, urbains ou péri‑urbains. Elles peuvent également être valorisées économiquement par leurs propriétaires et gestionnaires.
La multiplication des régimes d’autorisation ou de déclaration applicables aux haies a toutefois pu conduire à une réduction des linéaires de haies depuis plusieurs décennies, confrontant les agriculteurs à des injonctions contradictoires. C’est la raison pour laquelle l’article 14 du projet de loi encadre, sur la base d’un régime de déclaration et d’autorisation, les possibilités d’arrachage et de replantation des haies. Et, afin de simplifier la charge administrative des exploitants, il précise que la déclaration ou l’autorisation tient lieu d’absence d’opposition, déclaration ou autorisation au titre de différentes réglementations qu’il énumère. Les dispositions de l’article 14 entendent ainsi mettre un frein à la réduction des linéaires de haies et encourager leur développement.
L’article 15 du projet de loi vise, à titre principal, à accélérer la prise de décision des juridictions en cas de contentieux contre des projets d’ouvrage hydraulique agricole et d’installations d’élevage.
Ces ouvrages et installations, qui concourent à la souveraineté alimentaire, font l’objet de contentieux de plus en plus fréquents, et les recours successifs sur les différentes décisions administratives nécessaires compromettent leur réalisation en raison d’un allongement excessif des procédures contentieuses. La réduction des délais de traitement du contentieux est un enjeu central pour sécuriser les porteurs de projets, en leur permettant de savoir rapidement si celui‑ci est autorisé ou doit être adapté ou abandonné.
À cette fin, l’article complète le titre VII du livre VII du code de justice administrative par un chapitre XV comportant des dispositions visant à prévoir qu’un référé suspension ne peut être introduit que jusqu’à l’expiration du délai fixé pour la cristallisation des moyens soulevés devant le juge saisi en premier ressort. Le caractère d’urgence en cas de saisine du juge du référé suspension sera également présumé, et le délai du juge des référés pour statuer sera limité à un mois.
Afin de ne pas mettre en péril des projets autorisés par des décisions entachées seulement de vices régularisables, ces dispositions prescrivent au juge de limiter, lorsque cela lui est possible, la portée de l’annulation qu’il prononce à la phase de l’instruction de l’autorisation ou la partie de cette autorisation entachées d’un vice et d’ordonner la régularisation des décisions qui ne sont entachées que de vices régularisables.
L’article prévoit enfin que sont suspendues en cas de recours, tant la durée de validité de l’autorisation accordée par la décision attaquée que celle des autres autorisations nécessaires à la réalisation du projet, jusqu’à l’intervention de la décision juridictionnelle définitive au fond.
L’article 16 prévoit des dispositions concernant le statut des chiens de protection de troupeaux.
Dans un contexte d’expansion tant démographique que géographique des loups sur le territoire français, le nombre des chiens de protection de troupeaux est estimé à plus de 6 500, et ce nombre est en augmentation constante dans les alpages comme dans les vallées. Ce développement peut conduire à des difficultés de coexistence entre les chiens de protection et les activités de pleine nature. En dehors des conflits d’usage mineurs mais fréquents relatifs notamment aux aboiements, sont constatés chaque année des incidents dont certains conduisent à des dépôts de plaintes voire à des condamnations pénales des éleveurs. De plus, la réglementation relative aux installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE), qui s’applique aux propriétaires de plus de neuf chiens, n’apparaît pas adaptée à la détention de ces animaux qui, compte tenu de leur activité, passent une part significative de leur temps en dehors de ces installations, ce qui freine le développement du recours aux chiens de protection.
Pour tirer les conséquences de ce constat, l’article prévoit que la nomenclature des installations classées pour la protection de l’environnement qui concerne les chiens de protection de troupeaux peut être adaptée sans que le principe de non‑régression mentionné au 9° de l’article L. 110‑1 du code de l’environnement ne puisse y faire obstacle.
En outre, il habilite le Gouvernement à prendre par ordonnance des mesures relevant du domaine de la loi permettant de fixer des règles adaptées d’engagement de la responsabilité pénale en cas de dommages causés par les chiens de protection de troupeaux.
L’article 17 prévoit des dispositions relatives aux activités de valorisation des sous‑produits lainiers et aux activités aquacoles qui visent à faciliter leurs conditions d’exercice.
En premier lieu, il prévoit que la nomenclature des installations classées pour la protection de l’environnement qui concerne les sous‑produits lainiers peut être adaptée sans que le principe de non‑régression mentionné au 9° de l’article L. 110‑1 du code de l’environnement ne puisse y faire obstacle.
En second lieu, il habilite le Gouvernement à prendre par ordonnance des mesures relevant du domaine de la loi pour modifier, concernant l’aquaculture, les règles applicables aux installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) et aux installations, ouvrages, travaux ou activités ayant une incidence sur l’eau et les milieux aquatiques (IOTA).
L’article 18 vise, sans remettre en cause la compétence du bloc communal, à introduire de plus grandes facultés d’intervention des départements en matière de gestion de l’approvisionnement en eau, une gestion à une échelle dépassant les frontières de l’intercommunalité pouvant se révéler pertinente dans certains territoires dans un contexte de tensions liées aux épisodes successifs de sécheresse.
À cet effet, il prévoit la possibilité qu’un établissement public de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre ou un syndicat mixte compétent puisse déléguer à un département la maîtrise d’ouvrage en matière de production, transport et stockage d’eau destinée à la consommation humaine ou en matière d’approvisionnement en eau.
Il prévoit également la possibilité de créer des syndicats mixtes ouverts, comprenant un ou plusieurs départements limitrophes, un ou plusieurs EPCI ou syndicats mixtes fermés exerçant les compétences en matière de production, de transport et de stockage d’eau potable.
L’article 19 adapte les règles relatives à la représentativité des organisations professionnelles d’employeurs.
En vertu de l’article L. 2152‑2 du code du travail, une organisation professionnelle d’employeurs, pour être représentative au niveau national et multi‑professionnel, doit être représentative ou avoir des organisations adhérentes représentatives dans au moins dix conventions collectives relevant de l’un des trois secteurs suivants : production agricole, économie sociale et solidaire et spectacle vivant et enregistré.
Or, ce critère est de plus en plus difficile à satisfaire, à mesure que diminue, sous l’effet du processus de restructuration des branches, le nombre de branches professionnelles.
Ceci conduit à créer un régime dérogatoire dans le code rural et de la pêche maritime de la représentativité patronale multiprofessionnelle, qui supprime le critère des dix conventions collectives, désormais inadapté au secteur agricole.
Dans ce nouveau régime de représentativité multiprofessionnelle propre au secteur agricole, l’organisation multi‑professionnelle ne doit pas être reconnue représentative au niveau national et interprofessionnel mais doit être représentative dans au moins une branche agricole, ce qui permet de vérifier que l’organisation candidate est déjà active dans cette branche en participant notamment au dialogue social.
La modification de l’article L. 2152‑2 du code du travail est, en outre, nécessaire afin de l’ajuster pour qu’il ne mentionne plus les activités agricoles, par souci de cohérence au regard de la coexistence désormais de deux régimes juridiques distincts de la représentativité multi‑professionnelle.